(Extraits du mémoire d'Instructeur Régional de Bernard Marchand, texte intégral, résumé)

SPECIFICITES

La première plongée en lac, ça étonne !! Un plongeur habitué a plonger en mer sera assez surpris de ce qu'il va découvrir en lac. Cette plongée s'effectuant en eau douce mais aussi dans un site entouré de montagnes, voire en altitude, a des spécificités dûes à des facteurs de milieu : plonger dans un lac revient à imposer à son corps des variations de température plus importantes qu’en mer, dans une eau à la visibilité capricieuse, entouré d’une faune aussi discrète que passionnante. L’ambiance au fond est plutôt austère, minérale mais attachante.

LA TEMPERATURE : L’eau est généralement froide. Il nous faut distinguer deux couches liquides :

1) la couche de surface (0.50 m à 1 m d’épaisseur), chaude en été jusqu’à des valeurs de l’ordre de 20°C à 25°C, froide en hiver avec des valeurs situées entre 8°C à 2°C. Ces variations extrêmes relèvent de la sensibilité de cette pellicule d’eau aux variations de la température atmosphérique.

2) La couche profonde, froide toute l’année, avec des valeurs situées entre 10°C à 2°C. Cette couche peut se diviser en deux sous-couches durant l’été, la sous-couche supérieure se caractérisant par une température légèrement supérieure à celle de la sous-couche inférieure. Une frontière thermique (thermocline) sépare alors ces deux zones dont les eaux ne se mélangent pas. Le passage de l’une à l’autre est manifeste, zone troublée sur plusieurs mètres d’épaisseur, et différence de température nette.

Ce phénomène existe certes en mer, mais les gradients de température enregistrés en lac se révèlent plus importants. Ainsi un plongeur désirant explorer l’épave du «France» au lac d’Annecy (42 m de profondeur) devra «encaisser» un gradient de l’ordre de 20°C au plus fort des mois d’été (25°C en surface environ, 5°C sur le pont de l’épave environ) en l’espace de quelques minutes ! Notons que ce même plongeur ne subira plus qu’un gradient de l’ordre de 7°C en hiver (si T° extérieure de 10°C, et T° de 3°C relevée sur le fond). Ce plongeur pourra même se trouver dans le cas ou il se «réchauffera» lors de son exploration (T° extérieure négative, T° sur le pont de 3°C ou 6°C) ! L’agression thermique subie par l’organisme du plongeur se révèle donc paradoxalement moins importante en hiver qu’en été. Une méconnaissance de cette particularité peut mener le plongeur en lac vers une exposition immodérée aux accidents dus au froid davantage en saison chaude qu’au cours des saisons froides.

LA VISIBILITE: tout peut se résumer dans les deux phrases suivantes : PLUS C’EST CHAUD, PLUS C’EST TROUBLE et PLUS C’EST CLAIR, PLUS C’EST FROID !

D’un point de vue plus fouillé, la visibilité varie en fonction de plusieurs facteurs

1) La saison, la température et donc le développement du plancton lacustre (zooplancton et phytoplancton). En effet, l’élévation de la température au cours des mois les plus chauds de l’année (de mai à septembre) entraîne l’explosion de vie du plancton lacustre. Cela est particulièrement vrai pour la couche de surface et l’espace médian. Notons également l’existence de deux zones troubles en saison chaude, du fait des différences de température entre les masses d’eau (de la couche de surface aux premiers mètres de l’espace médian, et au niveau de la thermocline dans l’espace médian). L’eau n’est donc pas « sale », elle grouille de vie ! hélas, cette période coïncide avec les pics de fréquentation des lacs.

2) Le volume des dernières précipitations, et le temps écoulé depuis leur passage. Les précipitations (pluies et neige), outre la turbidité qu’elles entraînent du fait de l’apport en eau, drainent toutes sortes d’éléments (polluant ou non) dans le bassin lacustre. Ces éléments restent en suspension pour des périodes généralement de l’ordre de plusieurs jours. Les eaux retrouveront une clarté originelle d’autant plus rapidement que l’écart entre les précipitations préalables aura été faible (le drainage aura été maximum lors de la première vague de précipitation).

3) L’apport des affluents et l’emport des effluents. Plus les affluents sont nombreux et leur volume de drainage important, plus l’eau a de potentialités de turbidité. Mais il faut également prendre en compte la dynamique des effluents, dont la capacité d’évacuation des apports peut influencer significativement la rapidité d’éclaircissement des eaux. Prenons l’exemple du lac du Bourget : l’affluent est la Leysse débouchant au sud du lac. L’effluent est le canal de Savière. En temps normal, un courant traverse le lac dans le sens débouché de la Leysse- embouchure du canal. Suite à des précipitations, le temps d’éclaircissement des eaux est fonction, entre autres, de la capacité d’évacuation du canal et de la baisse du volume des apports supplémentaires de la Leysse. Le site de Chatillon (très prisé des plongeurs) met alors un temps de plusieurs jours pour s’éclaircir. Mais si le canal fonctionne dans le sens Rhône-Lac (trop-plein du Rhône), le lac se transforme en bassin de réception des apports du Rhône et de la Leysse, sans possibilités temporaires d’évacuation de ces apports. Le lac est alors extrêmement trouble, et il faudra attendre l’inversion du sens de circulation du canal (lac-Rhône) pour que débute la baisse de turbidité du lac. La plongée sur le tombant de Chatillon devient dans ce cas plus que délicate.

4) La présence de courants . La présence de couches d’eau de températures différentes, la dynamique crée par l’activité d’affluents et d’effluents, les variations de la température atmosphérique en fonction de la saison contribuent à l’existence de courants de force, de direction et de sens variables. Les courants lacustres n’ont été que peu étudiés pour l’instant, et les données scientifiques fiables manquent. En fait, il semble que chaque lac possède sa propre dynamique. Cependant, il est certain qu’un lac n’est pas une étendue d’eau immobile et stagnante (sinon, cela s’appellerait un étang….). Les courants contribuent au mouvement général des eaux, à leur renouvellement et aux variations de turbidité. Les saisons exercent une influence sur les courants, surtout pour ce qui est de l’hiver. En effet, au refroidissement de l’atmosphère correspond un refroidissement des eaux de surfaces qui tendent alors à se mélanger aux eaux profondes (disparition des thermoclines). Ainsi s’opère un renouvellement des eaux par le biais d’un glissement des eaux profondes vers la surface, phénomène qui contribue à l’oxygénation du lac concerné. C’est à cette période que l’eau est la plus claire, mais aussi la plus froide…. Les spécialistes estiment généralement qu’une période de 15 jours environ avec des températures négatives de l’ordre de -10°C à -20°C permet au lac du Bourget de renouveler ainsi ses eaux dans des proportions suffisantes pour prévenir une eutrophisation.

5) La nature du fond joue un rôle de choix dans la clarté de l’eau. Un autre élément vient compléter cette nature du fond: la hauteur d’eau. Plus la hauteur d’eau sera importante, plus l’influence de la nature de ce fond sera faible au fur et à mesure d’une progression en direction de la surface. Mais il n’en demeure pas moins qu’un fond vaseux générera davantage de turbidité qu’un fond de nature rocheuse (dalle de roche nue ou éboulis). Prenons deux exemples: le lac d’Aiguebelette présente un fond majoritairement vaseux. Sur certaines zones, il est quasiment impossible de se poser sur le fond, du fait de la présence d’une zone de transition eau/vase ou la vase semble littéralement se diluer progressivement dans l’eau. Inversement, lors d’incursions sur des éboulis dans le lac du Bourget, l’eau présente une turbidité des plus faibles en raison du peu de dépôts de vase sur la roche. Le problème peut s’aborder également par l’évaluation de la stabilité du fond. Plus le fond est solide et stable, moins ce fond générera de suspensions de particules. Dans cette approche également, le fond rocheux se révèle plus propice aux évolutions subaquatiques en sécurité.

6) L’activité humaine sur le site. L’homme, du fait de son activité, va importer des éléments sur le site. Cela s’appelle la pollution: présence d’égouts, de conduits d’écoulement des eaux usées aux abords d’une route riveraine. Mais l’homme peut également augmenter la turbidité de l’eau par la déstabilisation du fond au cours de son activité: le passage d’une palanquée peut générer des nuages de vase qui gêneront la progression de palanquées suiveuses, si celles-ci empruntent le même parcours avant que la vase ne se soit redéposée. N’oublions pas qu’un plongeur génère un déplacement d’eau par son seul volume physique. Il peut aussi soulever de la vase en quantités importantes par un palmage inadapté trop prés du fond (peut-être en raison d’un surlestage, d’une mauvaise gestion de sa flottabilité, du non-investissement dans un masque correcteur de vue…).

LA PORTANCE DE L'EAU DOUCE est inférieure à celle de l’eau salée. L’écart de flottabilité entre l’eau douce et l’eau salée est du à l’écart de densité de l’eau de mer par rapport à l’eau douce. 1 Litre d’eau de mer pèse 1.030 Kilogramme, tandis que 1 Litre d’eau douce pèse 1 Kilogramme. Il existe un écart d’environ 3 Kilogrammes entre les lestages en mer et en eau douce, pour un même plongeur muni du même équipement. Un plongeur lesté pour la mer et désirant s’immerger dans un lac devra donc modifier son lestage en retirant 3 Kilogrammes environ de sa ceinture.

LA FAUNE ET LA FLORE lacustres, moins connues (voire totalement ignorées) des plongeurs en lac que le sont la faune et la flore maritimes des plongeurs en général, existent bel et bien. Si le plongeur en lac lambda connaît les espèces des poissons qu’il rencontre régulièrement sous la surface, il ignore presque tout des petits organismes vivants qui peuplent eux aussi les eaux de nos lacs. Il faut reconnaître que l’observation d’un brochet, d’une écrevisse ou d’une anguille dans un herbier demande moins de patience statique que la recherche de petits crustacés de la taille d’une daphnie (1,8 mm). La masse peu importante d’informations d’accès peu aisé rend la communication peu évidente sur l’écosystème et la biosphère lacustre. Le plongeur en lac doit apprendre, plus encore que le plongeur en mer , à s’arrêter pour ouvrir ses yeux sur le monde dans lequel il s’immerge

LES RELIEFS du fond des lacs ne présentent, à priori, aucune spécificité par rapport aux types de reliefs au milieu desquels le plongeur évolue en mer. Leur importance se révèle pourtant toute particulière dans le ressenti d’une plongée en lac. Pourquoi ? Tout d’abord parce que le plongeur en lac ne dispose pas (ou peu) de faune spectaculaire à se mettre sous la dent. L’une de ses motivations tient alors, en dehors des plongées techniques qui constituent l’essentiel du contingent des plongées en lac, à l’ambiance des fonds lacustres. Or, cette ambiance tient aux reliefs (tombants, dalles de pierre lisses en pente, éboulis) mis en valeur par une luminosité particulière. Il serait judicieux de parler du «grand vert», en lieu et place du «grand bleu». Les pratiquants réguliers des lacs recherchent ces ambiances nues, minérales et austères du fond des lacs. A rapprocher de la beauté minérale et de l’ambiance choyée par les plongeurs spéléos.

LA FREQUENTATION DES SITES se caractérise par des à coups plus violents que sur certains sites des plus fréquentés en mer. La majorité des plongeurs en lac étant des saisonniers pluridisciplinaires, la fréquentation maximum peut s’observer sur les mois les plus chauds de l’année, soit de mai à septembre. Durant cette période, des «crises» apparaissent, avec des fréquentations record lors des week-ends de belle saison et en particulier aux alentours de dates phares (14 juillet, 15 août). Il n’en reste pas moins que quelques sites (les plus faciles d’accès avec les possibilités techniques les meilleures) attirent la majorité du public. Ainsi en est-il du site de Chatillon sur le lac du Bourget: il a été compté, durant l’été 1996, au départ de la plage en direction du fameux tombant, en heures ouvertes (08h00 à 12h00 et 13h00 à 17h00), jusqu’à 545 plongeurs sur un seul week-end ! ! Notons que personne ou presque ne fréquente ce site en semaine de septembre à mai, et que peu de plongeurs y viennent les week-ends d’hiver. Il serait intéressant de procéder à un comptage similaire sur le site du «France» au lac d’Annecy un week-end du mois d’août ou de juillet… La maîtrise de la sécurité par rapport à de tels pics d’activité ne peut être que le fruit d’une action éducative en amont.

 

MATERIEL : L’adaptation du matériel aux conditions environnementales spécifiques de lac se fait essentiellement par l’utilisation d’un vêtement adapté (semi-étanche ou étanche) , associé au montage de deux détendeurs certifiés « eau froide » montés sur deux sorties indépendantes. La sécurité sera renforcée par l’utilisation systématique d’un éclairage adapté. Une attention particulière sera portée sur la détermination d’un lestage au plus juste.

LE VETEMENT : La combinaison doit posséder des qualités isothermiques en rapport avec les températures subies. Il a été mesuré en plein mois d’août, sur le pont de l’épave du «France» à 42 mètres de profondeur dans le lac d’Annecy la température de 6°C ! Le fait de se munir d’une combinaison de type semi-étanche de 7 mm, ou mieux encore de type étanche au plus fort de l’été en vue d’une immersion dans l’espace lointain, alors que la température extérieure frôle les 30°C ne relève ni de la frime, ni d’une surenchère dans l’équipement. En revanche, le port de tels équipements ne trouvera pas sa justification dans la perspective d’évolutions dans l’espace proche en saison chaude. Mais il en trouvera une en saison froide (de septembre à mai), dés ce même espace. D’un point de vue global, plonger en lac implique de se munir d’une combinaison semi-étanche suffisamment épaisse (7 mm si Néoprène classique, un peu moins avec les procédés au titanium), conçue pour limiter les entrées et sorties d’eau (manchons d’étanchéité aux poignets, chevilles et visage, limitation des fermetures à glissière). L’autre solution, de plus en plus répandue, réside dans le vêtement sec, quasiment indispensable pour les plongées au cœur de l’hiver, et justifié en été pour les séjours prolongés dans les espaces médian et lointain. Il va sans dire que le port de gants et de chaussons adaptés en terme d’épaisseur doit compléter cette pièce maîtresse de l’équipement.

LES DETENDEURS : Il est bien écrit LES détendeurs ! Deux choses doivent être prises en compte pour les détendeurs : premièrement, en lac, un détendeur peut givrer à tout moment. Deuxièmement, les détendeurs mis en circulation sur le marché européen sont tous certifiés par la norme EN250 , qui définit des limites théoriques aux tests d’utilisation préalables à la commercialisation. Reprenons ces éléments et considérons le phénomène du givrage. Cet incident, peu connu en mer, est bien connu des plongeurs en lac. Le fait de disposer d’un deuxième détendeur monté sur la deuxième sortie du bloc permet à un coéquipier formé d’intervenir sur le détendeur givrant (fermeture du volant de conservation correspondant) cependant que l’incidenté dispose de son deuxième détendeur pour s’alimenter en air au cours de la remontée qui suit alors dans des conditions des plus normales possibles. Ainsi l’incident ne se mute pas en accident. Par ailleurs, le montage du tuyau MP du direct system du gilet stabilisateur sur le premier étage du deuxième détendeur évitera au plongeur de se retrouver privé de la capacité à s’équilibrer. Une réflexion menée au sein du comité de Savoie a permis de proposer localement une attitude commune en cas de givrage de détendeur. Quant à la norme européenne EN250, elle définit les exigences préalables à la commercialisation relatives, entre autres, aux détendeurs utilisés en plongée sportive. Les détendeurs sont testés en inspiration/expiration à une pression équivalente à une profondeur de 50 mètres. Les tests peuvent donner lieu à une certification «froid» ou «normal» en fonction de la fourchette de température de l’eau au cours du test . La fourchette des températures correspondant le mieux aux conditions de plongée en lac est celle de la certification «froid». La prudence voudrait donc que la pratique en lac donne lieu à l’utilisation de détendeurs certifiés «froid» (information aisément communiquée par le fabricant sur simple demande). De plus, la profondeur test de 50 mètres doit-elle être interprétée comme la limite d’utilisation donnée par le constructeur, voire par extension comme la limite de couverture des assurances en cas d’accident ? La balle est dans le camp des juristes.

L'ECLAIRAGE doit présenter des caractéristiques de puissance suffisantes, mais pas excessives. Un phare de 20 watts peut suffire, mais l’expérience montre que la puissance généralement privilégiée par les habitués des lacs se situe aux alentours de 50 watts. En dehors du surcoût financier au-delà de cette puissance, la diffraction variable selon les lacs apparaît de facto comme un facteur limitant. Notons cependant que les eaux présentent généralement leur meilleure clarté en hiver, période de moindre fréquentation. C’est donc durant l’hiver qu’un éclairage de grande puissance révélerait tout son potentiel. L’un des meilleurs compromis à l’heure actuelle, compte tenu de l’aspect financier et des contraintes environnementales, semble bien être un phare de 50 watts environ. Bien entendu, l’emport d’un éclairage de secours ne peut que relever le niveau de sécurité de la plongée. Par ailleurs, il ne saurait être trop conseillé de se munir d’éclairages dès que la plongée se déroule au-delà de l’espace proche.

LE LESTAGE : L’adaptation du lestage a été évoquée dans les spécificités environnementales, en tant que conséquence de l’une de ces spécificités: densité de l’eau douce plus faible que celle de l’eau de mer. L’adaptation du lestage aux conditions de lac révèle toute son importance par rapport au fait que l’eau douce « porte » moins que l’eau de mer.

LE PARACHUTE DE PALIER a aussi une très grande importance en lac, pour éviter tous risques de collision avec un bateau lors de la remontée. En effet, l'étendue de la surface naviguable étant restreinte, la densité de bateaux sillonant les lacs est très forte pendant les mois d'été, et il préférable d'être bien repérable de la surface par les plaisanciers et les pêcheurs .

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